Werk, Bauen und Wohnen, 2017, n°9, Go West

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28 septembre 2017

Agrandissement d’une maison à Renens par le bureau DreierFrenzel

La ville de Lausanne s’agrandit à l’ouest sur d’anciens sites industriels et ferroviaires. Elle réunira à terme les communes limitrophes pour former une grande agglomération[1]. Répondant au « projet territoire »[2] défini par le Schéma directeur de l’Ouest lausannois, de nombreux grands chantiers et études sont en cours à Renens et à Prilly en lien avec un renforcement des infrastructures des transports publics. On citera notamment la création d’un tramway et l’agrandissement de la gare de Renens prévoyant 27’000 voyageurs par jour en 2019.

Ce développement attire les investissements immobiliers. Logements collectifs ou individuels, la ville se développe dans ce que l’on appelait il n’y a pas si longtemps « la périphérie » en donnant raison à Aldo Rossi qui, dans les années 1960, voyait s’y réaliser son avenir.

 

C’est dans un quartier de villas et de petits immeubles locatifs à Renens, non loin de la nouvelle patinoire de Malley en construction, que le bureau Dreier Frenzel a projeté la transformation et l’agrandissement d’une maison de deux étages datant des années 1950 pour y loger deux familles.

Le projet s’appuie sur le règlement des constructions autorisant une densité plus élevée sur la parcelle si elle est affectée à du logement contigu. Deux entrées séparées sont ainsi réalisées rendant leur autonomie aux deux appartements distribués initialement par une cage d’escalier commune.

L’image extérieure est polymorphe. Simple du côté de l’entrée où on lit clairement la maison d’origine adjointe d’une annexe d’un côté et d’un escalier extérieur de l’autre. Elle se complexifie lorsque l’on tourne autour de la maison et que l’on découvre à l’ouest ce nouveau volume sculpté, presque autonome. De l’extérieur, l’échelle n’est pas facilement saisissable : maison de poupées ou maison victorienne[3] ?

 

La structure, qui s’exprime en façade est faite de poteaux métalliques profilés en T supportant des dalles en bois. Isolé à l’intérieur, le bardage de façade est recouvert du même crépi que la maison d’origine. Pour expliquer ce choix qui peut sembler ambigu mais qui finalement s’apparente à un colombage, les architectes parlent de « contamination », l’ancien influençant le nouveau par touches.

 

En proposant le langage de la véranda, de l’annexe légère, les architectes ont donné à la maison d’origine une certaine noblesse, rappelant effectivement l’image d’une périphérie bourgeoise anglaise ou américaine. Si l’on retrouve donc des valeurs cognitives renvoyant à l’hétérogénéité de la périphérie[4], elles se distinguent de celles des villas individuelles ou des immeubles locatifs pour l’enrichir de nouvelles références. La contamination crée une hybridation tant dans la forme que dans la manière de construire.

 

 

L’intérieur fonctionne sur le thème de la trace, de la mémoire et de l’ajout. Les appartements existants ont somme toute été peu touchés. De la peinture blanche unifie les murs en passant indifféremment sur les tapisseries anciennes ou sur les rhabillages que l’on perçoit en relief.

Les carrelages anciens sont récupérés par endroits pour former des « tapis » dans la chape, puis ce motif est décliné comme un jeu caractérisant les espaces.

 

L’annexe offre de nouveaux lieux de vie. L’appartement du rez y trouve une salle à manger, une cuisine ouverte et un salon duquel on accède au jardin sous un grand cèdre.

La cuisine de celui de l’étage est aménagée dans l’ancien et l’on passe par une baie en voûte dans l’annexe. On y découvre trois espaces contigus mais de hauteurs différentes. Une fenêtre haute élève le regard dans les branches du cèdre majestueux. La composition des pièces libère également une terrasse extérieure. La maîtrise des architectes se révèle dans la capacité à gérer l’échelle restreinte de ces espaces en leur offrant du volume en hauteur vers la vue et la lumière.

 

Ici le langage intérieur diffère de l’extérieur, c’est à nouveau l’opposition entre le nouveau et l’ancien qui est mise en avant. Mais, si une continuité du matériau était recherchée sur l’enveloppe, à l’intérieur l’extension est traitée en blanc lisse et neutre et la façade d’origine est conservée telle quelle.

 

Parlons pour conclure de l’idée d’«habiter ensemble » qui est à l’origine de ce projet. En opposition aux villas mitoyennes qui n’ont en commun qu’un mur de séparation, ici l’escalier ancien qui reliait les étages est conservé comme un espace collectif, commun aux appartements et donnant accès à une chambre d’ami partagée. Aménagé d’un meuble sur toute la hauteur, il est devenu une bibliothèque commune alimentée des ouvrages des habitants et à disposition de tous.

 

Un symbole sans doute d’une ville qui, en s’agrandissant, mélange les genres. La « périphérie » apparaît dès lors comme un nouveau lieu d’expérimentation.

 

Julien Grisel

[1] Voir le projet d’agglomération Lausanne-Morges (PALM) présenté sur http://www.lausanne-morges.ch

[2] Voir http://ouest-lausannois.ch/blog/strategies/territoire/le-schema-directeur-de-louest-lausannois/

[3] Cette dernière référence est utilisée par les architectes pour présenter leur projet

[4] Frédéric Frank, Suburbanité, des théories urbaines au logement collectif contemporain, PPUR, 2012